Je me souviens encore de la première fois où j’ai nourri une dame âgée perte d’autonomie alors que j’étais toujours en stage. Madame Hurtubise qu’elle s’appelait. Elle était non verbale.
Je ne savais pas si je devais lui parler ou non. Je n’arrivais pas à « lire » si elle voulait de cette soupe tiède, de ces patates pilées, des petits pois et de la viande. J’essayais de suivre la cadence des personnes aînées plus autonomes autour de nous, une bouchée à la fois. À quel moment devais-je lui offrir de l’eau ? Apprécierait-elle un peu de thé ou de café avec sa salade de fruits en dessert ? Heureusement qu’une préposée me donnait quelques indications sur ses préférences…
Malgré ma nervosité, j’ai été attendrie par ce moment tout simple. Il m’a rappelé les petits gestes remplis de tendresse que j’avais posés avec mes trois enfants alors qu’ils étaient tout-petits. L’installation du tablier, la surveillance des signaux de faim et de satiété, jusqu’au nettoyage de leur bouche avec une débarbouillette. Plus le repas avançait et plus je parlais à Mme Hurtubise d’une voix douce et détendue, comme si nous entretenions une conversation.
Encore aujourd’hui, les repas comptent parmi mes moments préférés dans mes quarts de travail. Peu importe le niveau de perte cognitive, les résidents sont presque toujours contents à l’heure des repas. J’ai depuis appris à mieux comprendre leur rythme, leurs défis au niveau de la déglutition, leurs préférences et leurs habitudes. Et comme une maman nourricière, je prends plaisir à les gâter, surtout lorsqu’il y a de petites douceurs au menu lors des occasions spéciales : maman gâteau un jour, maman gâteau toujours !