(2) Journées catastrophes
Depuis janvier, le « Journal d’une préposée » vous propose une série fictive qui se lit comme un roman ! S’inspirant des témoignages, des histoires et du vécu des employés, elle met en lumière la réalité des préposés aux bénéficiaires à travers les confidences sans filtre de Josie…
Il y a des hauts et il y a des bas. Il y a ces journées où le temps file à vive allure, où je n’ai même pas le temps de regarder ma montre que déjà, je suis prête à donner le relais à une autre préposée avant de rentrer chez moi. Il y a des journées où les résidents sont souriants et se laissent porter par leur routine, où les collègues sont de bonne humeur, où tout « roule ».
Et il y a d’autres journées où les minutes s’écoulent au ralenti et où chaque pause arrive comme une planche de salut… Ces journées-là, je les appelle les journées catastrophes. Ce sont celles où tout « s’enfarge » : une dame qui ne veut pas sortir du lit et tape quiconque ose s’approcher ; une collègue qui traîne de la patte et qui occasionne des retards à toute l’équipe ; un résident qui lance sa nourriture et se fâche…
Est-ce la fin de l’hiver qui nous pèse tous ? Saison froide ou pas, la maladie gagne sur tout.
Je travaille depuis que j’ai l’âge de 10 ans. Je suis habituée au travail. Je n’ai pas besoin de me mettre dans le bon état d’esprit pour monter chaque jour aux étages. Mon métier, c’est une vocation. J’aime aider là où on a besoin d’aide. Je suis incapable de refuser de l’aide à qui que ce soit.
Avec les personnes âgées, toutefois, l’aide n’est pas toujours désirée et encore moins sollicitée. L’aide rappelle plutôt aux résidents que leur autonomie et leur santé dépérissent. Et ça les met parfois dans tous leurs états.
Ce matin là, avant que j’arrive, Monsieur Dupras était tombé de son lit. Le nez ensanglanté, il s’est mis à pousser une longue série de cris rauques. L’entendre, c’est comme entendre le cri lancinant et interminable d’un animal blessé. La maladie lui a depuis longtemps enlevé les mots pour se faire comprendre. L’infirmière lui a administré de quoi l’apaiser.
Il a fini par s’endormir en serrant contre lui une peluche offerte par son neveu. L’aide vient parfois aussi d’un « nounours » aux yeux globuleux qui ranime l’enfance…