Ici et là, sur ma peau, les marques laissées par les bonnes âmes dont je prends soin tous les jours.
On me pince, on me grafigne, on me frappe. Les gens diront : ils sont malades et ces maladies dégénératives se manifestent par des comportements agressifs, par des gestes violents.
J’aimerais dire que ça ne me m’affecte pas, que ça ne m’atteint plus, que je me suis créé une carapace bien épaisse, mais ce serait me mentir. On ne s’habitue pas aux agressions, aussi banales soient-elles. La violence ne peut-elle jamais être banale, même lorsqu’elle est déclenchée par la maladie ?
Je me souviens la première fois qu’une résidente a été agressive. J’étais hébétée. Alors que je devais changer sa culotte d’incontinence, elle utilisait ses ongles pour me faire mal et stopper mes gestes.
J’essayais de la raisonner, de lui parler avec douceur, de lui changer les idées. Rien à faire. Je suis allée chercher une collègue et nous avons réessayé un peu plus tard, sans la forcer. Mais elle nous frappait de plus belle et devenait de plus en plus incontrôlable.
C’est finalement l’infirmière qui est venue nous prêter main-forte : elle a réussi à l’apaiser en lui administrant un calmant.
Ces incidents arrivent régulièrement. Et certaines personnes sont très violentes. On en vient à se dire qu’elles devraient avoir des soins adaptés. Nous ne sommes pas formés pour ces cas plus difficiles. Je dois protéger les patients malades, mais je dois aussi me protéger, moi.
Malheureusement, les familles ne sont pas toujours prêtes à reconnaître que leur proche avance dans la maladie.
Alors, je regarde mes bras meurtris et je prie…