LA MALTRAITANCE

Les différents visages de l’abus envers les aînés

« J’aimerais que l’on cesse de me bousculer », a dit le patient octogénaire hospitalisé pour des difficultés cognitives et de mobilité. L’ergothérapeute Julie Charbonneau qui procédait alors à son évaluation a tenté d’y voir plus clair : se sentait-il bousculé par elle ? En approfondissant la question, l’homme en est venu à confier qu’il subissait de la violence de la part de sa fille à la maison.

Julie Charbonneau avoue qu’elle n’y connaissait alors rien à la problématique de la maltraitance qui n’avait pas été abordée lors de ses études: « C’est venu me serrer à l’intérieur. Il m’a confié qu’elle lui criait dessus, le frappait, l’attachait à son fauteuil, le forçait à manger brusquement, lui volait de l’argent. Il voulait que ça cesse. Je me suis dit: je dois protéger cette personne ! » Prise au dépourvu, l’ergothérapeute du CHUM s’est promis une chose: elle allait s’outiller afin de mieux dépister et intervenir devant ce genre de situation.

Définir la maltraitance

C’était en 2006. Bien des choses ont changé depuis. En 2010, Québec déposait le Plan d’action gouvernemental pour contrer la maltraitance envers les personnes aînées, une chaire de recherche universitaire était mise sur pied, de même qu’une ligne d’écoute professionnelle. La même année, une campagne de sensibilisation grand public avec Yvon Deschamps a contribué à mettre un mot sur un mal méconnu et pourtant répandu. « Ce n’est pas parce que la majorité des gens comme moi ne savent pas que ça existe que ça fait moins mal », disait l’humoriste dans la publicité de 2010 qu’on peut revoir en cliquant ici : Publicité du Ministère de la Famille et des Aînés.

Le Plan d’action gouvernemental a adopté la définition de la maltraitance de l’Organisme mondial de la santé (OMS) qui va comme suit : « Il y a maltraitance quand un geste singulier ou répétitif, ou une absence d’action appropriée, se produit dans une relation où il devrait y avoir de la confiance, et que cela cause du tort ou de la détresse chez une personne aînée.» (voir Note 1 plus bas)

Comme l’indique la définition, les conséquences de la maltraitance ne sont pas à prendre à la légère. « Selon une étude américaine, les personnes maltraitées sont souvent dans un moins bon état de santé, ils ont plus de maladies et meurent plus jeunes », précise Marie Beaulieu, professeure titulaire au Département de service social de la Faculté des lettres et des sciences humaines à l’Université de Sherbrooke, et titulaire de la Chaire de recherche sur la maltraitance envers les personnes aînées. « La maltraitance laisse des traces et n’est jamais anodine…»

Comme décrit dans la terminologie (voir Note 2), la maltraitance envers les personnes aînées se manifeste sous deux formes, soit la violence ou la négligence, et se décline en sept types, soit psychologique, physique, sexuelle, matérielle ou financière, violation de droits, maltraitance organisationnelle (soins et services) et âgisme. « Elle a lieu dans tous les milieux où il y a des aînés, tant à domicile que dans les milieux d’hébergement, de loisirs ou autres, précise Mme Beaulieu. On estime qu’environ 10 à 15 % de la population aînée vit de la maltraitance de la part de gens qu’elle connaît », affirme-t-elle.

Une statistique qui a fait sursauter l’ergothérapeute Julie Charbonneau lorsqu’elle a commencé à s’intéresser à la question : « C’était beaucoup plus que ce que je pensais ! Je me suis dit : Oh la la, combien de patients je n’ai pas dépistés ? »

Plus visibles et plus dénoncés, les cas de maltraitance matérielle ou financière sont ceux qui font plus grand bruit. « Or, les études de prévalence au Canada et ailleurs dans le monde indiquent que la négligence est plus répandue et qu’il y a beaucoup de maltraitance psychologique, précise Mme Beaulieu. Ce n’est pas étonnant puisque le dénigrement psychologique d’une personne s’accompagne souvent d’autres types de maltraitance, que ce soit financière, sexuelle ou autre.»

Agir ensemble

Devant ce tableau alarmant, Julie Charbonneau fait partie du nombre grandissant de professionnels de la santé qui se sont engagés dans la lutte à la maltraitance. Après être allée chercher de la formation continue adéquate, la professionnelle est devenue formatrice auprès de l’Association canadienne des ergothérapeutes, conférence invitée au cours Ergothérapie avancé en gérontologie à l’Université de Montréal, conférencière et personne-ressource en milieu hospitalier.

« Je pense que tout professionnel de la santé se doit de dépister la problématique de la maltraitance à partir des informations privilégiées qu’il détient dans le cadre de sa pratique, affirme-t-elle. Nous pouvons ensuite réfléchir au plan d’intervention en équipe interdisciplinaire, ce qui nous permet de mettre ensemble les valeurs propres à notre profession, d’avoir une vision plus objective et holistique de la problématique et, enfin, de prendre une décision la plus éclairée possible.»

Mais encore faut-il que les aînés maltraités acceptent de recevoir de l’aide. Le premier pas à franchir, c’est de parler, rappelle Sylvie Bouchard, coordonnatrice de la ligne d’écoute professionnelle et confidentielle Ligne Aide-Abus-Aînés (LAAA).

« Les aînés qui nous appellent souhaitent simplement briser le silence dans un premier temps sans passer à l’action tout de suite. Nous respectons leur rythme et demeurons disponibles pour les accompagner, peu importe la situation. Il y a beaucoup d’ambivalence chez ces personnes, elles ont parfois peur des représailles, elles vivent parfois de la culpabilité ou de la honte. Nos intervenants visent un juste équilibre entre l’autodétermination de la personne aînée et son besoin de protection. Dans les cas où la sécurité ou l’intégrité de la personne est menacée, par contre, nous mettons en place une intervention de crise ou d’urgence.»

Mme Bouchard ajoute : « Il y a un besoin criant d’information concernant leurs propres droits. Il y a un certain esprit âgiste qui est entretenu. Ce n’est pas toujours volontaire, mais les aînés oublient qu’ils ont des droits comme tout autre adulte. On ne perd pas ses droits parce que l’on vieillit ! »

Aider l’agressé et l’agresseur

Dans le cas du patient de Mme Charbonneau qui a vécu de la maltraitance physique, psychologique et financière, comme l’équipe interdisciplinaire du CHUM doutait de son aptitude, un juge a hérité du dossier. «Il a finalement été déclaré inapte par le tribunal et a dû aller vivre en hébergement», relate-t-elle.

Quelques mois plus tard, l’ergothérapeute a croisé l’homme à l’hôpital par hasard. « Malgré ses troubles cognitifs, il m’a reconnue et il m’a dit: Vous savez, c’était la meilleure chose qui pouvait m’arriver. Je suis heureux à mon centre, je fais des activités, je socialise, ma fille vient me voir occasionnellement et ça va mieux…»

Malgré ce dénouement somme toute positif, Julie Charbonneau ne peut pleinement se réjouir. C’est que dans la plupart des cas de maltraitance, la personne maltraitée n’est pas la seule à avoir besoin d’aide. « C’était le meilleur scénario pour cet homme qui devait sortir de ce milieu mais, idéalement, nous aurions travaillé avec sa fille pour faire en sorte de changer ses comportements. Or, la personne avait des problèmes de santé mentale et ne collaborait pas. Nous n’avions pas de leviers pour l’emmener à changer.»

Dans des cas de maltraitance non intentionnelle par contre, il est souvent possible de mettre fin au mauvais traitement. « Notre objectif premier n’est pas de séparer les familles, mais de réduire les facteurs de risque de la maltraitance, explique Mme Charbonneau. On va donc faire des interventions auprès de la personne maltraitante afin de l’outiller et de la sensibiliser. Dans le cas par exemple où un aidant naturel a recours à la force physique, car il ne sait plus comment prodiguer des soins à son proche aîné, on va l’éduquer sur la maladie et ses impacts, on va l’aider à mieux gérer son stress et on peut lui obtenir de l’aide du CLSC pour certains soins, par exemple.»

Vers la « bientraitance »

Comme le démontrent les débats suscités par le dépôt du projet de loi 115, actuellement à l’étude à l’Assemblée nationale, les défis et enjeux sont encore nombreux dans la lutte contre la maltraitance envers les aînés. « Ce projet de loi vise à lever le plus possible les barrières au signalement et de protéger les personnes qui dénoncent », explique Marie Beaulieu.

Il y a encore beaucoup chemin à faire, acquiesce la professeure en travail social: «En prévision de son prochain Plan d’action gouvernemental pour contrer la maltraitance envers les personnes aînées 2017-2022, le ministère a annoncé clairement qu’il voulait aller vers de la bientraitance (voir Note 3). C’est intéressant, mais il faut absolument continuer de parler de maltraitance, à faire connaître les formes, les types, les indices afin de sensibiliser la population et de préparer nos intervenants (travailleurs sociaux, infirmières, préposés) à bien intervenir.»

Article à lire (cliquer ci-dessous) :

Des policiers pour contrer la maltraitance – Questions et réponses avec l’agente du SPVM, Émilie Toubeix

 

___________________________________

Note 1
Traduction libre de OMS, 2002, dans MFA, 2010. Plan d’action gouvernemental pour contrer la maltraitance envers les personnes aînées 2010-2015, p. 17.

Note 2
@ Pratique de pointe pour contrer la maltraitance envers les personnes aînées du CIUSSS du Centre-Ouest-de-l’Île-de-Montréal; Ligne Aide Abus Aînés; Chaire de recherche sur la maltraitance envers les personnes aînées; Ministère de la Famille, Secrétariat aux Aînés, Gouvernement du Québec, 2016.

Note 3
Bientraitance : « […] Action volontariste qui ne peut se faire qu’avec de la bienveillance. Elle vise à promouvoir le bien-être de l’usager et du professionnel.[…] À titre d’exemple, un milieu d’hébergement qui offre de saines conditions de travail à ses employés diminue le risque qu’ils aient des comportements maltraitants envers les résidents et augmente l’incidence des actes de bientraitance. À leur tour, les résidents sont plus enclins à coopérer et à avoir de bons échanges avec le personnel ». Source : Mémoire présenté par la Chaire de recherche sur la maltraitance envers les personnes aînées, mai 2016.

 

 

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