LA BOÎTE DE SARDINES – écrire son histoire pour ses enfants
À la demande de ses enfants et de ses petits-enfants, Yvette Riba a couché son histoire sur papier. Les grands remous de sa vie ont été réunis dans un livre tenant sur 75 feuilles 8 1/2 x 11… tel un cadeau en héritage.
C’est dans la quiétude de son appartement de la Résidence Floralies LaSalle que Yvette Riba, 92 ans, a fait remonter les souvenirs d’une vie trépidante afin d’écrire sa biographie. « Je n’ai pas tout dit, mais il y a des choses que je voulais raconter aux enfants, notamment les années de guerre dont ma génération a peu parlé, raconte-t-elle. J’ai fait un résumé et mon fils m’a aidée à mettre au propre et à faire la mise en page. Puis, on en a fait imprimer pour les membres de la famille. »
Yvette Riba est née à Toulouse en France en 1927. Le titre de sa biographie, La boîte de sardines, s’inspire de l’histoire d’amour de ses parents. Lorsque Hermine Roudière est tombée sous le charme de l’Espagnol Jules Riba, elle a décidé de lui rendre une petite visite. Malgré son absence, elle a pénétré dans sa chambre mansardée et a découvert sur la table les restes d’un repas famélique : une boîte de sardines vide et huileuse…
Dès lors, elle tomba amoureuse et le destin de la famille Riba en fut scellé pour toujours. « Ça amuse beaucoup les enfants lorsque je dis qu’ils viennent d’une boîte de sardines !», confie en riant cette excellente conteuse.
Enfants de la guerre
Les souvenirs de la guerre restent parmi les plus marquants. « Le début était relativement calme à Marseille où ma famille était établie, mais à l’intérieur de quelques jours en 1940, tout a basculé : la civilisation, les traditions. Nous sommes entrés dans une apocalypse qui allait durer six ans », raconte-t-elle.
Lorsqu’elle ferme les yeux, elle se souvient encore de certaines scènes comme si elle y était : quand les bombes des avions italiens sont tombées en pleine rue sur Marseille, ou encore ce jour noir de novembre alors que les Allemands ont envahi la zone libre et qu’un grand silence régna sur la ville. « Même la mer s’est tue », raconte-t-elle. Encore aujourd’hui, les bruits de sirène lui passent à travers le corps. « J’ai longtemps eu le réflexe d’aller me mettre aux abris dès que j’entendais une alarme. »
À l’école, alors qu’elle faisait son secondaire, c’était surréaliste. « Jamais les professeures ne prononçaient un mot sur la guerre en cours. Ça n’existait pas. Je me souviens qu’un jour, on nous inculquait les bonnes manières et on nous encourageait à toujours laisser un peu de nourriture dans notre assiette. C’était complètement absurde de dire ça à des enfants qui avaient faim ! »
Lorsque la guerre s’est terminée enfin, Yvette Riba avait 18 ans et toute la vie devant elle.
« C’est peut-être mon expérience heureuse qui me fait juger favorablement la vie en résidence. Ce n’est pas l’opinion de toutes les personnes âgées, et toutes les résidences ne sont pas aussi confortables et sécuritaires que les Floralies LaSalle : mais j’espère que chaque aîné, un jour, pourra trouver la solution satisfaisante personnellement… »
– La boîte de sardines (extrait)
De ville en ville
La plupart des chapitres de La boîte de sardines portent des noms de villes. D’abord les différentes villes de la Méditerranée en France où elle a grandi, est devenue institutrice et a épousé Hervé Fines en 1950.
Puis les villes québécoises où ses enfants sont nés et ont vécu. Après avoir habité 10 ans à Namur en Outaouais, Hervé a été nommé pasteur à l’église protestante de Verdun où la famille s’est installée.
La loi 101 venait d’entrer en fonction au Québec. Yvette a alors recommencé à enseigner, cette fois le français à des adultes. « Mon travail relevait davantage du travail social que de l’enseignement. Les policiers qui ne savaient pas quoi faire avec les délinquants mineurs nous les envoyaient. Je me souviens notamment d’une jeune prostituée qui avait été prise dans une rafle. Je les recevais parfois chez moi pour les aider… »
Au moment de prendre sa retraite, Yvette Riba a travaillé auprès des personnes âgées pour des organisations privées jusqu’à ce que son mari tombe malade et décède en 2007.
Moi qui ai connu la solitude de l’enfant unique, j’ai été, dès l’âge adulte, entourée d’enfants : les miens d’abord, puis mes petits-enfants que j’ai pris par la main pour guider leurs pas. Et maintenant, ce sont eux qui me prennent par la main pour guider les miens…
…écrit-elle en guise de conclusion.